Elisabeth Fath est bénévole au Secours Catholique de Thionville, au même titre que les autres bénévoles[2]. Mais même si elle ne le met pas en avant, elle est avant tout une sœur de la congrégation de Sainte Chrétienne depuis l’âge de vingt ans. Sainte Chrétienne est une congrégation[3] fondée en 1807 par un couple sans enfant qui avait caché des prêtres réfractaires sous la révolution et beaucoup fait pour l’éducation des enfants et le soin des malades.
Les sœurs font vœux de pauvreté mais pas de misère, vœux de chasteté pour être disponibles à un amour universel et leurs projets sont toujours soumis à l’accord de la congrégation. Les sœurs ne portent plus le costume traditionnel qui était le costume ordinaire des femmes de la campagne du XVIIIème siècle. Pour rester fidèle à cette idée, le costume s’est simplifié de plus en plus jusqu’à disparaître.
La congrégation[4] compte aujourd’hui environ deux cent sœurs dans le monde dont moins de cent en France. La congrégation est responsable et propriétaire de trois établissements scolaires secondaires en France et de trois en Autriche.
A Rustroff, la grande école de Saint Chrétienne n’existe plus, il ne reste qu’une grande maison où Elisabeth et deux autres sœurs vivent leur retraite. L’aînée des trois a quatre vingt trois ans et se passionne pour le jardin, la deuxième, se consacre entre-autre aux « restos du cœur » et Elisabeth à la pastorale des funérailles. Les sœurs ont le devoir de travailler pour subvenir à leurs besoins et Elisabeth Fath était professeur de biologie. Elle a enseigné dans plusieurs écoles de la congrégation notamment à Longuyon où elle a été aussi directrice durant quatorze ans avant de devenir responsable de la congrégation pour la France.
La congrégation est très présente en Afrique. Et c’est de là que vient aujourd’hui une grande partie des nouvelles sœurs. Elles ont étés formées en Afrique, dans leur propre culture, c’est une exigence de la congrégation. Elles commencent par deux ans de postulat, suivis de deux ans de noviciat. Les sœurs ne sont admises définitivement dans la congrégation qu’après cinq à neuf ans de vœux annuels.
Pour entrer chez les sœurs il faut être vraiment appelée au service des pauvres et prête à une vie de prière personnelle et collective et car il n’y a pas de vie spirituelle sans vie de relation.
Les sœurs ainsi formées en Afrique travailleront dans des écoles ou des dispensaires africains pour des salaires dépassant rarement les 50 dollars par mois comme leurs collègues laïcs. La vie communautaire rend leur vie économiquement possible au quotidien et elles peuvent compter aussi sur l’aide des sœurs et des laïcs des pays du Nord.
En Afrique le sida est une des plus grandes causes de mortalité. La prévention et l’accompagnement des malades est une tâche importante pour les sœurs en Afrique. Le silence, la difficulté de parler, aggravent la situation des malades. De la même façon en France, le rejet que subissent les séropositifs fait de cette maladie une pauvreté. Parce qu’elle est attentive aux besoins du temps, Elisabeth Fath a travaillé longtemps avec Aides puis avec Zaï, une fondation messine qui vient en soutien aux malades exclus à cause de leur maladie donc en particulier les séropositifs.
A la permanence du Secours Catholique de Thionville, il s’agit de dépanner les gens dans l’urgence. Mais Elisabeth Fath pense que les vrais pauvres ne viennent plus jusqu’à eux. Ils restent enfermés dans leur misère et ne pensent même pas à demander de l’aide. Ceux qui viennent savent souvent tirer les bonnes ficelles, bien sûr mais beaucoup parmi eux ne mangent pas tous les jours à leur faim.
Parmi eux les femmes seules avec enfant sont de plus en plus nombreuses : les pères sont partis ou absents ou au chômage et ne versent pas de pensions. Alors en plus de l’accueil et de l’écoute, on donne souvent des bons alimentaires et parfois des jouets et des vêtements à ces jeunes mères isolées. C’est un peu pernicieux car cela dépanne mais cela n’aide pas vraiment à mettre debout. Alors que le secours catholique a normalement en priorité une mission éducative comme le soutien aux devoirs pour les enfants et des cours de cuisine pédagogique pour les mères. Quand on aide les gens on reçoit beaucoup en retour. Les gens vraiment dans le besoin que l’on peut rencontrer au Secours Catholique, ceux qui sont abîmés par la vie, se révèlent dès que s’installe un lien avec eux. « Les pauvres évangélisent ceux qui les aident ».