Claude Muthweiss: trop fort!

De Wikithionville

Claude Muthweiss travaille à la sécurité sociale. Tous les matins il traverse la Côte des roses à pied de la rue de la fauvette à la « krankekasse », ça lui rappelle son père qui montait de Sérémange à St Nicolas à pied pour aller travailler il y a près d’un demi siècle. Ce n’est qu’en 1996, à la mort de son père, que Claude a découvert l’histoire de la famille. Il savait bien que son grand-père était d’origine allemande mais en lisant tous les papiers de son père, il a appris qu’il était né à Cologne, que c’est en 1920 qu’il avait obtenu la nationalité française et qu’il avait participé à la première guerre mondiale et donc combattu les français avant d’en devenir un.

Il a appris aussi que toute la famille a été « déplacée » en Silésie en trente neuf-quarante quand les allemands on envahi à nouveau la région. Ils avaient tous été séparés et relogés dans des conditions précaires pour être employés comme main-d’œuvre d’appoint un peu partout. Le père de Claude n’avait que vingt ans quand il est revenu le premier en 1945. La même année, sa mère « déplacée » elle aussi mais d’Alsace, arrivait dans la région. Avoir vingt ans pendant la guerre : ils avaient du en baver. Mais de tout cela personne n’a jamais parlé à la maison.


Le père de Claude était imprimeur chez Marchal à Florange avant d’intégrer la caisse de sécurité sociale d’Hayange. Les Muthweiss habitaient Sérémange-Erzerange avec son église aux trois porches d’entrées  : l’entrée des ouvriers, celle des employés et l’entrée réservée aux cadres. Le stade de Wendel accueillait les grandes messes des médaillés du travail, trois cents personnes invitées sur une estrade et plein de bonnes choses à manger.

Claude passe un bac F3 d’électrotechnique en 1975, fait son armée en Alsace avec comme souvenir celui des bergers allemands dans les cours de chaque maison puis en 1976, il suit une formation audiovisuelle et devient dépanneur, à Cora Borny et ensuite cinq ans chez Merret-Swiperski à Thionville. Un magasin d’électroménager en ville et un atelier rue St Fiacre où Claude réparait radio et téléviseurs.

Quand le patron met la clé sous la porte et dépose le bilan Claude entre à son tour à la sécurité sociale. Il s’occupe de dépannage électrique, de téléphonie et de livraison : à l’époque c’est encore la caisse qui fournit tous les imprimés aux médecins.

Aujourd’hui, beaucoup de tâches sont confiées à des entreprises extérieures, Claude s’occupe de maintenance et d’entretien mais il s’occupe aussi de la gestion des déchets et donne un coup de main à l’imprimerie.



Claude est « agent polyvalent » même si l’expression ne plait pas à tout le monde. Tout le monde croit que les employés de la sécu sont fonctionnaires mais il n’en est rien. Dans son service il ne reste que deux personnes sur les sept qui y travaillaient.


Les temps changent et les horaires aussi : certains doivent assurer une permanence pour le public jusqu’à dix huit heures et ce n’est pas simple de récupérer pour ceux qui sont à trente six heures et qui ont déjà trois jours de Rtt par mois à prendre.



La fille de Claude, Virginie a repris le flambeau car elle aussi travaille pour la sécu, à l’Elsm, l’échelon local de service médical de Metz. A vingt quatre ans elle a de la chance car elle n’attendu que trois ans pour avoir un emploi fixe quand la moyenne nationale est de neuf ans aujourd’hui. Son frère Rémi a vingt ans et il cherche encore.

Ça tracasse un peu Claude car depuis son divorce en 2003, c’est lui qui élève seul ses deux enfants. Ce n’est pas tout de faire des enfants pour les lâcher dans la nature : il faut leur donner une chance de s’épanouir et de réaliser leur rêve. Avoir des enfants c’est formidable : ce n’était pas évident mais il avait eu la chance d’obtenir la garde. Claude avait fait la démarche de s’inscrire à SOS papa et c’est le juge des affaires familiales qui lui avait conseillé de demander la garde.

Le fait que son travail soit proche de son domicile avait aidé. Le divorce avait duré quatre ans : son ex-femme bénéficiait de l’aide juridictionnelle gratuite et ne voyait aucun inconvénient à faire trainer la procédure. Pour Claude c’était plus lourd. Quand on sait par exemple que pour obtenir d’un avocat une lettre en cours d’appel il faut déjà débourser 500€ ! En rachetant la part de son ex-femme, Claude avait un peu payé sa maison deux fois.



clichés sous marin de Sol Neelman


Claude fréquente la piscine olympique de Florange, deux fois par semaine il s’entraine à la plongée : son sport favori est le hockey subaquatique. Deux équipes de six nageurs se relaient pour pousser un galet sur le fond du bassin à l’aide d’un petite crosse, avec masque tuba et palmes pour seul équipement.

Avec les années qui passent, les cheveux tombent mais Claude ne se fait pas de cheveux pour ses cheveux, il cultive la tranquillité.


article publié sur saisir le changement[1]