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Dernière version du 24 mars 2014 à 11:23
Je m'appelle Nawel, je viens d'un petit village en Algérie, où j’étais professeur d'anglais. Je suis arrivée en France il y a plusieurs années.
Vivre et travailler en Algérie.
J'ai grandi en Algérie, et j’y ai fait des études, comme beaucoup de monde : l'école primaire, le collège, puis le lycée. Après mon bac, je n'ai pas été à l’université, j'ai préféré suivre une formation pour devenir professeur d'anglais. Dès mon tout premier cours d'anglais, j'ai apprécié cette langue, et depuis, je rêvais de l'enseigner à mon tour. J'ai suivi une formation spéciale, coordonnée par l'Education nationale. J'ai étudié pendant 2 ans, puis j'ai obtenu mon diplôme en étant classée 8ème sur 35 élèves. Dès la rentrée suivante, j'ai commencé à travailler dans un collège, avec des élèves âgés de 13 à 17 ans. Au bout de 3 mois, j'ai dû passer le CAPEF : un inspecteur de la langue vient nous observer dans notre classe, il assiste à un cours, et juge si nous sommes aptes à enseigner, si nous faisons bien notre métier. J'ai réussi mon CAPEF, et j'ai pu continuer. J'aimais beaucoup mon métier, je faisais de mon mieux pour réussir à transmettre mes connaissances à mes élèves, pour faire en sorte qu'ils réussissent. Même une fois couchée, le soir, je ne dormais pas tranquille : j'imaginais comment je pouvais améliorer mon cours, je cherchais le meilleur moyen pour leur apprendre la langue. Pendant de nombreuses années, j'ai enseigné dans le même établissement.
C'était un peu dur, car les conditions ne sont pas les mêmes qu'ici, en France : on avait jusqu'à 45 élèves en classe, ce qui n'est pas évident à gérer. J'étais un peu sévère, mais c'était nécessaire, surtout que j'avais en face de moi des adolescents. C'était d'autant plus difficile de me faire respecter en tant que femme. Certains élèves me disaient : "Non, moi tu ne peux pas me punir car tu es une femme". Malgré tout, j'aimais mon travail. Les relations se passaient bien avec les élèves et avec leurs parents, que j'essayais de tenir les plus informés possible du travail et du comportement de leurs enfants. A cette époque, les conditions de vie étaient bonnes en général. Mais au début des années 90, elles ont commencé à se dégrader, avec la montée de l'intégrisme et du terrorisme. L'Algérie a vécu une dizaine d'années très dures, les femmes n'avaient plus le droit de sortir sans voile, alors que nous avions toujours vécu librement jusque-là. Je ne voulais pas céder, je sortais dehors sans être voilée, mais en marchant dans la rue, j'avais peur.
C'est pour cette raison que j'ai choisi de venir en France : je ne me sentais plus en sécurité là-bas. Des femmes dans la rue étaient kidnappées, tuées, agressées sexuellement. Avant, je venais déjà en vacances en France, chez des amis qui habitent en Lorraine, mais je n'avais jamais imaginé rester définitivement sur le territoire. J'étais déjà venue plusieurs fois, je restais pendant les vacances et puis je rentrais chez moi. J'espérais que la situation s'arrangerait en Algérie, mais elle continuait à se dégrader. Mon but était donc de venir en France, et de continuer mes études dans le domaine de l'anglais et de l'enseignement, pour avoir un diplôme français.
Mon arrivée en France.
En arrivant en France, j'ai été hébergée par une amie qui habitait en Lorraine. Je me suis donc rendue à l'université, pour m'inscrire. Mais on m'a dit que ce n'était pas possible, car je n'avais pas les bons papiers. Je ne le savais pas, mais pour avoir accès à l'enseignement supérieur, il fallait demander un visa de long séjour. Moi, j'étais venue avec un visa de court séjour. J'avais fait les démarches seule, sans personne pour m'aider.
J'ai fait une demande pour obtenir de nouveaux papiers, ce qui m'a été refusé, malgré les preuves que j'ai apportées de ce qui se passait en Algérie. J'ai quand même décidé de rester mais je ne n'étais pas bien : j'étais venue en France pour me réfugier, trouver la paix. En fait, je me retrouvais dans une situation illégale encore plus difficile. J'ai vécu ainsi plusieurs années. J'ai perdu un membre de ma famille qui vivait en Algérie, et je n'ai pas pu aller le voir, assister à ses funérailles. Ma famille, pourtant, m'a toujours encouragée à partir, puis à rester en France : ils savaient à quel point la situation en Algérie était difficile. J'étais restée en contact avec le directeur du collège dans lequel je travaillais, il m'a personnellement encouragée à rester en France. Après quelques années, ma situation s’est régularisée.
Pendant plusieurs années, je n'ai pas revu mes parents, j'ai été privée de ma famille.
Ma situation aujourd'hui.
Aujourd'hui, je cherche un emploi qui me permettrait de vivre. Je ne peux pas rester dans cette situation : sans travail, je ne participe pas, je me sens inutile. Mon diplôme algérien n'étant pas reconnu en France, j'ai voulu demander une validation de mes acquis. Mais comme pour être enseignant ici, il faut faire plus d'années d'études et une formation spécifique avec l'Education nationale, on me l'a refusée. Malheureusement, j'ai beau faire des recherches, des demandes d'emploi, le retour est toujours négatif. Je suis allée au GRETA, demander à être formatrice en anglais, mais pour l'instant ça n'a rien donné. Je ne suis pas la seule à me retrouver démunie, j'ai rencontré d'autres personnes qui sont dans la même situation depuis qu'ils sont arrivés en France.
Depuis cette année, j'ai fait la connaissance de nouvelles personnes, notamment grâce à la Maison de quartier de la Côte des Roses, et au Centre « Le Lierre ». J'y suis inscrite depuis le début de l'année 2013, et ça m'a fait du bien de faire des rencontres, de créer des liens, de me changer un petit peu les idées. J'ai pu participer à des ateliers : cuisine, peinture, … On fait aussi des sorties, qui me permettent de penser à autre chose. On est par exemple allé au Château de La Grange ou encore au Parc Merveilleux de Bettembourg. Grâce au Centre, j'ai maintenant accès à une formation avec l'INFA, qui accompagne les étrangers dans leur recherche d'emploi. J'ai fais des demandes de formation, et j'attends que l'une d'entre elles s'ouvre et me soit accessible.
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Cette action est cofinancée par le Fonds européen d’intégration